Il faudrait pouvoir réduire à néant cet infime petit monceau de peur et d'indécision, pour ne pas paraître égoïste aux yeux de tous. Cette indécision provient de l'envie de
vouloir prendre la bonne décision à long terme, alors qu'il ne faudrait probablement pas
réfléchir aussi loin. Oui, oui, il y a tellement de preuves de ma culpabilité... Laissez-moi
vivre, par pitié. Il n'y a probablement pas de bonne ou de mauvaise réponse. Probablement
pas de situation incorrigible. Probablement pas de "non" qui ne puisse se transformer en "oui"
un jour ou l'autre. Un jour ou l'autre je lui dirai "oui". ("Oui, je le veux" ? C'est juste une étincelle).
C'est vrai, je commençais à m'y plaire, dans cette vie où l'on ne me demandait rien d'autre que d'aimer en silence. Je m'étais prise au jeu. Moi qui me croyait incapable d'aimer depuis des années, qui aurait cru que je serais de nouveau perdue dans ces réflexions ? Cela me fait peur.
Voilà des mois que j'hésite à faire face, que j'avance maladroitement vers lui pour regretter mes actes immédiatement après. C'est peut-être cela, l'immaturité. Moi qui m'était pourtant bien jurée de ne pas penser aux hommes avant la fin de ma licence, au moins, et de ne surtout pas "m'attaquer" à un ami au risque de tout détruire, et d'oublier absolument les relations à distances, moi qui m'était jurée de ne pas aimer avant la date limite de péremption des sentiments véritables, voilà que je me prends à rêver d'un tas d'enfants, d'une famille, de tracas quotidiens partagés, d'amour à faire avec lui sur la table de la cuisine, de tant de choses ridicules et sentimentales dont je ne parle à personne et dont j'aimerais parler à quelqu'un qui m'aimerait.
Voilà qu'avec lui, les rêves deviennent possibles, les frontières qui les séparent de la réalité s'estompent. Je deviens une autre pour lui. Quand il me regarde, je me sens prête à briller, je ne suis là que pour lui. Je pourrais le lui dire, qu'il me comble, que je suis folle de cette envie de vivre à ses côtés, que j'ai bu tout l'espoir que j'ai pu, mais honnêtement, pourrais-je lui avouer qu'à coup sûr, cela s'appelle de l'amour ?
C'est sur ce point que j'hésite, et que personne ne me comprend jamais. "Il n'y a pas à se poser la question, ça doit se sentir". Et je suis censée sentir quoi au juste ? Sentir que l'on me donne le droit d'avancer ? Sentir que tout cela n'est pas voué à l'échec ? Alors que j'en suis intimement persuadée, et je ne m'en cacherai plus désormais, par respect, par... amour ? Le mot fatidique vient d'être prononcé. C'est de l'égoïsme que de dire que je l'aime alors que c'est lui qui m'attend. Oui messieurs-dames.
Je rougis de honte à l'intérieur de moi. Nous ne sommes pas prêts à vivre cela. Je ne suis pas prête. Pourra-t-il m'attendre ? Je le souhaite pour moi, mais à lui, je ne le lui souhaite pas. S'il y a bien une chose dont je suis convaincue, c'est que si l'un d'entre nous doit souffrir, j'aimerais mieux que ce soit moi. J'aimerais ne pas laisser de "traces" derrière moi, pas de marque indélébile de mauvaise conduite. Je ne veux pas que l'on parle de moi au passé en maudissant mon nom et ma descendance à tout jamais. Je ne veux pas que l'on se souvienne de moi comme de la personne cruelle qui blessa le coeur des hommes.
Et si je regrettais mon indécision ? Un jour, il sera trop tard. Parviendrais-je à me pardonner de l'avoir laissé fuir vers une autre ? Ce ne sera plus son problème, cela lui sera égal, tant mieux. Tant pis.
Il m'attend, il est là, sur la rive gauche de ma vie, souriant, tranquille, il me prend la main. Il me fait renaître, exister, et me donne une raison de vivre. Si je perdais son coeur, je n'aurais plus qu'à me jeter sous un train.
Pourquoi ai-je si peur d'aimer ? De vivre l'amour ailleurs que dans les livres ? Pourquoi m'accusent-ils tous de lâcheté, alors que je suis simplement... moi. Une personne qui réfléchit toujours durant des mois pour éviter des catastrophes qu'elle n'évitera probablement pas, de toute façon.
Je suis si lasse de justifier mes actes ou mes décisions...
Bérénice B.
Je me rappelle de ces moments où l'on n'avait pas besoin de mettre une étiquette "couple" sur nous pour exister (ensemble).