28by ~toprakgoksel |
Little est accroupie sur la moquette, adossée à l'angle que forment les murs au fond du couloir. Elle a encore fait une bêtise.
Elle a écrit une lettre d'adieu et n'a pas osé la lire à sa mère. Elle l'avait simplement avoué à Sabrina, qui a voulu la protéger en dévoilant son secret. Alors Maman est rentrée et elle a réclamé à aider sa fille. Et sa fille a dit Non. Alors Maman s'est mise en colère, elle a dit Puisque tu seras morte bientôt, je peux reprendre cet arbre en porcelaine, cet arbre qui symbolisait notre amour. On ne sait plus se parler Clémence. Dois-ton encore vivre sous le même toit ? Retourne chez ton père, puisque c'est lui que tu aimes.
Maman hurlait et Little mettait ses mains devant ses yeux et protégeait son visage, tandis que les éclats de l'arbre en porcelaine brisé contre le sol pénétraient les chairs de ses jambes repliées contre sa poitrine.
Je me souviens de Little levant les yeux vers le ciel et ne trouvant que la pluie des yeux de sa mère, les poings durs tendus avec force et rage, cognant le corps de sa fille sans un instant d'hésitation, au cours de sa folie passagère. Little pleure comme d'habitude, non pas parce qu'elle ressent la douleur d'être battue, mais parce qu'elle comprends à quel point sa mère est malheureuse, et l'envie qu'elle aura de ne plus exister lorsqu'elle reprendra tous ses esprits et comprendra que ces traces bleues et violettes sur le corps de Little sont issues de sa main.
Little est un martyre, une enfant sacrifiée, une enfant qui se tait pour vivre, parce qu'elle attend tellement la vie. Elle se dit que, plus tard, elle connaîtra l'amour, qu'un jour, elle sera libre et seule, qu'elle vivra tout plus fort que les autres et autant qu'il est possible de vivre.
Quand Little inspire pour ravaler le sang qui coule de son nez afin de ne pas faire culpabiliser sa mère qu'elle aime passionnément, c'est un geste si fort : elle trouve cela "dégueulasse" et je trouve cela "courageux". Dommage qu'elle ne se donne pas le droit d'en parler à quelqu'un, encore aujourd'hui.
Mais à qui en parlerait-elle ? Qui la croirait ? Les gens changent...
Depuis ce jour, je sais qu'une personne qui reste calme au milieu de la guerre est une personne dans laquelle sommeille la plus grande des révoltes.
Et si ces mots ne sont compréhensibles pour personne, c'est parce que la révolte vient tout juste de commencer.